Les paysages de mon été ne sont pas si fleuris que ceux de mes camarades ! Je ne suis pas au Vanuatu, ni en Malaisie, ni en Corse ou en Ardèche. Je ne marche pas le long des chemins, chaussettes tombantes et croquenauds alourdis par la fatigue et les heures sous le soleil à affronter les dénivelés ; je n’entends pas au loin les clarines tinter ni même les oiseaux accompagner de leur mélodie un réveil tranquille !
Je suis assise dans la pénombre pour éviter que le soleil ne surchauffe l’atmosphère et les seuls sons qui me parviennent sont les conversations du bureau qui jouxte le mien quand j’ai laissé ma porte ouverte et que celle d’à côté n’est pas close !
Pour arriver jusqu’à moi, il faut franchir une première porte : elle ouvre sur un couloir large qui mène à une zone de bureaux, des secrétariats, des bureaux médicaux, des portes closes ou ouverte. Ensuite, juste en face de cette première porte, il y a une deuxième porte. Quand on l’ouvre, le regard tombe sur un porte document fiché dans le mur ; un trieur qui déborde des courriers destinés aux uns ou aux autres. Il faut entrer dans ce petit couloir qui s’allume lorsque le seuil est franchi et tourner sur la droite ; alors ma porte apparaît, sur la gauche, une autre jouxte la mienne, qui conduit au secrétariat d’un service situé avant la première porte !
C’est un dédale ? Il faut vraiment s’y perdre, ou très bien connaître les lieux pour arriver jusqu’à moi… ou bien rendre visite aux secrétariares d’à côté et quand le regard tombe sur moi, étonné, la personne m’interroge, « tiens, tu es là finalement ? ». « Hé, oui, c’est l’ancien bureau de Greg, avant qu’il ne descende au rez-de-jardin ».
« Hé, oui ! », j’ai l’impression d’être Hibernatus, qui ressurgit dans un monde qu’il ne reconnait pas et qui ne le connaît plus. Après ces 9 mois passés à l’école, alors que j’ai exercé ici pendant plus de 9 années, ces quelques mois d’absence m’ont rendue complètement étrangère, inconnue à toutes ces nouvelles recrues. Le temps à fait de l’établissement un autre univers, j’ai franchi la porte vers un temps incertain, comme Valérian lorsqu’il quitte sa planète sans être sûr de la retrouver après un saut dans l’avenir !
Drôle d’horizon en fait, de là où je suis – vue sur le patio ; un escalier de secours en plaque grillagée comme ceux que les skieurs empruntent pour descendre des téléphériques ou des remontées mécaniques ; un arbuste au feuillage verdoyant vient égayer cet entredeux – entre l’extérieur et l’intérieur, entre le rez-de-jardin et le rez-de-chaussée, entre le parvis et la passerelle… Je vois les véhicules aller et venir sur le dépose-minute, des personnes affaiblies au dos courbé, des brancards poussés par des ambulanciers pressés, d’autres attentionnés ; des anciens au regard perdu se laissent emporter comme des paquets.